Vahid Halilhodzic : « même si je devenais champion du monde, je serais critiqué »
Dans un entretien, dont une première partie a été publiée ce lundi 20 janvier sur FIFA.com., le coach Vahid Halilhodzic est longuement revenu sur les conditions de la qualification des Verts au Mondial 2014 face au Burkina Faso et l’émotion qui s’en est suivie.
« Ce fut un mélange de soulagement et de fierté ! Pour un entraîneur, le plaisir ne réside que dans la victoire. Et la victoire, elle passe par de la souffrance. En l’espèce, nous avons beaucoup souffert pour finalement terminer en beauté. C’est un immense cadeau de voir la joie qu’un tel succès peut procurer aux supporters ou aux gens avec lesquels on travaille ... », explique t-il.
Un peu plus loin, le sélectionneur des Verts a évoqué un drame familial. « J’ai eu un drame personnel, il y a un an : mon frère est décédé. C’est quelqu’un qui a beaucoup compté dans ma vie, qui a tracé ma carrière, qui m’a poussé à jouer au football. Un an, jour pour jour, avant ce match face au Burkina Faso, il m’avait rendu visite en Algérie... Personne ne savait que j’avais vécu ce drame intérieur. Après le match, j’ai explosé », indique-t-il. Le technicien bosnien a aussi évoqué ses conditions de travail en Algérie. « … Ce n’est pas la première fois que je qualifie une équipe pour une Coupe du Monde … J’ai gagné beaucoup de titres ... Mais l'expérience que je vis avec l’Algérie est peut-être plus intense. Être entraîneur de l’Algérie, ce n’est pas toujours un cadeau. Il faut avoir un sacré caractère et une certaine conviction dans ce que l’on fait. La pression est énorme et je suis un étranger à la tête de leur équipe nationale. Ce n’est pas toujours facile » confie-t-il.
À la question de savoir ce qui l’a poussé à accepter l’offre de l’Algérie, Halilhodzic a expliqué qu’après avoir été remercié de son poste de sélectionneur de la Côte d’Ivoire, il ne pensait plus diriger une équipe africaine. « Ce licenciement montre combien l’Afrique peut être cruelle. Mais il ne faut jamais dire jamais. Et lors de mon premier rendez-vous avec l’équipe algérienne, un joueur m’a interpellé au bout de cinq minutes et m’a dit : " Coach, est-ce qu’on peut parler ? " Une discussion a, alors, débuté avec toute l’équipe. Elle a duré deux heures, durant lesquelles, tous les problèmes sont remontés à la surface. Et ils étaient nombreux. Je me suis dit : " ce n’est pas pour moi, je pars ". Mais finalement, face à autant de franchise, j’ai choisi de continuer l’aventure. C’est cette sincérité, dès le premier contact, qui m’a convaincu de poursuivre …
Une équipe de 2010 démoralisée
Invité à se prononcer sur les jeunes talents des Fennecs à l’image de Feghouli, Taïder ou encore Belfodil, Vahid a fait savoir que, quand il avait pris les commandes de l’EN, l’équipe était encore majoritairement composée des mondialistes de 2010. « Elle était démoralisée. J’ai tout de suite compris qu’il fallait la renouveler. L’évolution a été faite étape par étape. J’ai commencé peu à peu à convoquer des joueurs franco-algériens qui évoluaient en France ou en Italie. C’est un processus plus compliqué qu’il n’y paraît dans la mesure où les Algériens sont très attachés à leur nation. Quelqu’un qui n’a pas le respect du drapeau n’est pas le bienvenu. Il faut donc faire preuve de diplomatie pour réussir l’intégration de joueurs binationaux dans un groupe déjà construit. On a énormément travaillé sur le plan social, sur l’adaptation et sur la discussion. On a veillé à retrouver un esprit collectif, combatif, généreux et solidaire. Aujourd’hui, c’est le point fort de mon groupe et ce qui a été déterminant dans notre parcours. On a été récompensé, et cette qualification fait beaucoup de bien à tout le monde en Algérie.
En Algérie, je suis critiqué
Répondant à une question sur des rumeurs faisant état que le coach national songeait à demander la nationalité algérienne, il répond : « j’ai beaucoup de respect pour l’Algérie parce qu’être sélectionneur d’un pays comme ça, c’est un honneur. Mais aussi une grosse responsabilité. Là-bas, je suis critiqué. Même si je devenais champion du monde, je serais critiqué. J’ai du mal à comprendre cela mais c’est comme ça. Quand vous faites ce métier, il faut avoir des convictions. Il faut savoir être à l’écoute des autres, mais c’est toi qui décide sur le plan sportif. Et là-dessus, je suis assez déterminé. Je n’ai peur de rien. J’aime la pression, cela veut dire qu’il y a un bon match à jouer et non une rencontre pour la 15e place de tel ou tel championnat. La tension n’existe que dans des matches de Ligue des champions ou de Coupe du Monde et c’est pour celle-là que je vis et que je travaille. Je suis très respectueux du football. C’est ma foi. Il m’a, de temps en temps, fait souffrir mais il m’a aussi beaucoup donné. Je lui suis redevable » conclut-il.