L’acquisition de Maroc Telecom par Etisalat a pris du retard
Ahmad Abdulkarim Julfar PDG d’Etisalat rassure : l’acquisition est en bonne voie (dr)
C’est une opération emblématique de l’ouverture de l’économie marocaine aux investisseurs étrangers. En effet, d’ici le mois de mai, l’opérateur mobile Maroc Télécom devrait passer sous le contrôle du groupe émirati Etisalat. Pour mémoire, et après une âpre compétition avec son rival qatari Ooredoo, la compagnie d’Abdou Dhabi avait acquis en novembre dernier les 53% du capital de Maroc Telecom détenus par Vivendi. Coût de l’opération destinée à désengager la multinationale française du secteur des télécoms : 4,2 milliards d’euros ce qui valorisait l’action Maroc Telecom à 100 dirhams. On pensait alors que l’opération se clôturerait rapidement mais cela ne semble pas être le cas. Certes, le deal n’est pas remis en cause mais de nombreux observateurs s’interrogent, d’autant que quelques signes d’impatience ont été détectés auprès de Vivendi. Du coup, quelques hypothèses plus ou moins réalistes ont circulé. L’une d’elle faisait état de la difficulté d’Etisalat à boucler le tour de table bancaire pour finaliser son offre. Il faut savoir que pas moins de 17 établissements financiers sont de la partie dans un contexte où quelques tensions sur le crédit ont commencé à apparaître dans le Golfe. Une autre version avançait que les dirigeants d’Etisalat n’ont guère goûté le fait que Maroc Telecom subisse récemment un redressement fiscal de près de 90 millions d’euros ce qui a, entre autre, provoqué une baisse de son bénéfice net de 17% à 494 millions d’euros. « L’Etat marocain se paie encore sur la bête avant que la cession ne soit effective » avait alors commenté un opérateur de la Bourse de Casablanca.
Un « closing » qui coince au Gabon
Toutes ces supputations ont poussé les dirigeants d’Etisalat à clarifier la situation en livrant des précisions à la presse du Golfe. Selon eux, l’acquisition est en bonne voie et il ne saurait y avoir de problème concernant cette opération qui a concentré la totalité des investissements extérieurs de leur compagnie à l’étranger pour l’exercice 2013/2014. Selon eux, le retard mis dans le « closing » est essentiellement dû à l’attente des autorisations des pays où Maroc Telecom est implanté. Outre le royaume chérifien, il s’agit du Mali, du Burkina Faso, de la Mauritanie et du Gabon. Et c’est dans ce dernier pays que les autorités traîneraient des pieds pour approuver l’acquisition en raison du fait qu’Etisalat y possède déjà l’opérateur Moov. Etisalat va-t-il devoir céder cette filiale dès plus profitable sachant que c’est par elle qu’il construit son développement stratégique en Afrique de l’ouest ? Ou, au contraire, va-t-il être forcé par les autorités gabonaises de la concurrence à se délester de la filiale locale de Maroc Télécom, elle même très dynamique puisqu’elle a enregistré une hausse de 13,9% de son chiffre d’affaires en 2013 ? Les prochaines semaines devraient permettre d’en savoir plus sur ce dossier qui, de toutes les façons, ne peut remettre en cause la prise de contrôle dans sa totalité. « A ceci près que si jamais l’Etat gabonais oblige Etisalat à céder la filiale locale de Maroc Telecom, il pourrait être en droit de renégocier le coût total de l’acquisition de l’opération puisque la valorisation de l’opérateur marocain a englobé ses filiales » suggère un banquier d’affaires marocain qui précise toutefois ne pas connaître ses détails concrets.
Sous la barre des 100 dirhams
En tout état de cause, les investisseurs sur la place de Casablanca attendent avec impatience que Maroc Telecom passe définitivement sous le giron d’Etisalat. Alors que le titre de l’opérateur est actuellement en dessous de la barre des 100 dirhams, prix versé pour chaque action lors de l’acquisition, le marché espère de nouvelles perspectives stratégiques qui doperaient les cours. Mais, au vu du coût de l’opération (près de dix fois les bénéfices de Maroc Télécom), il n’est pas certain qu’Etisalat consente de nouveaux investissements notamment en matière d’internet mobile. La Bourse de Casablanca devra donc encore compter sur d’autres valeurs vedettes pour l’animer parmi lesquelles celles du secteur des assurances qui bénéficie pleinement de l’activisme économique de la diplomatie royale en Afrique subsaharienne.