Dans les studios du Raï à Oran, les informaticiens ont la fibre musicale

18/06/2014 - 6:16


Avec l’avènement des technologies de l’information et de la communication (TIC), les studios d’enregistrement de musique font leur mue. Place aux ordinateurs, aux tables de mixages high-tech, aux logiciels de montage et aux séquenceurs.
 
L’industrie de la musique en Algérie est en train de connaitre une véritable révolution technique grâce à l’apport des TIC. A Oran, berceau de la musique Raï, les studios d’enregistrement rivalisent par les moyens technologiques qu’ils mettent à la disposition des stars montantes et autres musiciens pour donner naissance au meilleur produit possible. Cela passe essentiellement par un équipement de pointe (ordinateurs superpuissants, cartes son ultra performantes, matériel de prises de son très sensible,…), mais aussi par des outils softwares offrant une liberté quasi infini en matière d’arrangement et de mixage. Un indice qui ne trompe pas, certains studios d’enregistrement oranais collaborent avec des producteurs français, notamment pour réaliser des "featuring", des duos qui se font à distance entre des artistes qui se trouvent des deux côtés de la méditerranée. Pour Houari Selmani, directeur de Studio 31, un des studios de musique les plus réputés et les plus actifs sur la place d’Oran, "aujourd’hui, nous sommes en mesure de nous adapter à différents types de demandes, aussi sophistiquées soient-elles." Il y a aujourd’hui à Oran, quatre studios d’enregistrement se partagent le marché grâce à un investissement conséquent en équipements et logiciels. "Cet apport technologique est certes prépondérant aujourd’hui, vu les nouvelles exigences du marché, mais le savoir faire restera toujours indispensable dans tout domaine de création artistique", à toutefois tenu à souligner Houari Selmani, qui estime que grâce à cette combinaison savoir-faire et apport technologique, 75 % des albums Raï produits en Algérie sont enregistrés à Oran.
Cubase, la star des séquenceurs musicaux
S’agissant du choix du système d’exploitation utilisé par les studios d’enregistrement, "il est imposé très souvent par le souci de compatibilité avec certains logiciels", précise le directeur de Studio 31. "Même si les ordinateurs d’Apple offrent une meilleure stabilité et une meilleure fiabilité, les PC de Windows apportent beaucoup plus de liberté en matière de logiciels", a-t-il souligné. "Parmi les logiciels phares offrant cette richesse sonore tant recherchée par les ingénieurs du son, il y a la famille de séquenceurs musicaux "Cubase", édités par la société allemande Steinberg Media Technologies. Ce logiciel de nouvelle génération succède à la série des séquenceurs 'Pro' ayant débuté sur C64 pour prendre fin avec PRO-24 III sur Atari. Les premières versions de Cubase apparurent sur Atari puis Mac et Windows. En 2013, la gamme (exclusivement Mac/Windows) se décline en Cubase et Cubase Artist pour les versions avertis/experts", explique encore M. Selmani. Le logiciel, a-t-il ajouté, est doté d’une banque de sons très riche qu’on peut renforcer avec d’autres logiciels de sons, compatibles, comme Kontact, Reason  ou encore Sampler. Il y a aussi le VST (Virtual Studio Technology) qui est l'un des protocoles pour les plug-in audio. Il a également été créé par la société Steinberg pour son logiciel séquenceur Cubase. L’interface VST a la capacité d'inclure des données MIDI. Cela permet l'introduction du format plug-in VSTi (Virtual Studio Technology Instrument). Les instruments VST peuvent ainsi agir en tant que synthétiseurs, samplers et boîtes à rythme complètement indépendants.
Des arrangeurs… informaticiens
A Oran, au début des années 90, les arrangeurs qui évoluaient dans la sphère de la musique Raï se comptaient sur les doigts d’une seule main. Aujourd’hui, et grâce surtout à l’apport technologique, on en compte au moins une quinzaine qui jouissent désormais d’une notoriété avérée. Très jeunes, certains sont encore étudiants à l’université. Mais leur point commun, "c’est qu’ils sont tous très passionnés et se sont, très tôt, intéressés à ce domaine", témoigne Houari Selmani. "Pour exceller dans ce domaine, il n’est pas indispensable d’être musicien. Il faut surtout avoir une très bonne oreille, c'est-à-dire être un vrai mélomane, mais aussi maitriser la manipulation de ces nouveaux logiciels", ajoute-t-il. Ces arrangeurs travaillent généralement chez eux à la maison avant de ramener le produit brut en studio où il est mixé par d’autres professionnels jouissant de compétences et d’expériences musicales plus avérées. Cette nouvelle génération d’arrangeurs vient essentiellement du milieu des informaticiens. Leurs connaissances en matière d’arrangement musical, ils les ont acquises sur le tas. Ce sont de parfaits autodidactes qui partagent en plus de la passion de l’informatique celle de la culture musicale très variée. Dans le milieu du raï à Oran, on estime que si cette musique s’exporte aussi bien aujourd’hui, c’est bien grâce à l’album "Kutché" de Cheb Khaled, sorti en 1988, et réalisé par un musicien virtuose de l’époque, Safi Boutella. Si ce dernier a réussit ce pari, c’est bien grâce aux sonorités qu’il a su apporter dans cet album. Des sonorités qui dénotent de la richesse de ses influences musicales. Avec cette nouvelles génération d’arrangeurs, on est peut être en train d’assister aux prémices d’une nouvelle évolution d’une musique Raï, qui a de tout temps su s’adapter, sans complexes, aux attentes de son public en allant chercher les clés de sol, de fa et d’ut aux fins fonds de l’univers numérique.