Au stade de Curitiba, l’immense joie des supporters

27/06/2014 - 3:43


Jamais ils n’avaient attendu un coup de sifflet aussi longtemps. Cette 94e minute. A cet instant, une ambiance venue d’ailleurs jaillit dans les tribunes. Le tour de stade des joueurs met les supporters en transe. « Que Dieu te garde Djabou ! », lance un fan, la cinquantaine. Nora, trentenaire qui a regardé la deuxième mi-temps la tête dans les genoux peut exulter.

« C’est fantastique. C’est extraordinaire ! »

Ce n’est pas un stress de 90 minutes qu’ils expulsent à ce moment là. C’est un stress de quatre jours. Depuis la victoire face à la Corée du Sud dimanche dernier. Ils l’ont tellement méritée cette libération. Car malgré la fatigue des déplacements en bus pendant des heures dans un pays immense, du manque de sommeil, ils ont été là. Et ils ont tout fait plus fort que la dernière fois. L’hymne chanté plus fort, les chants de stade hurlés plus fort. Ils la voulaient tellement cette victoire qu’ils ont presque tous passé toute la deuxième mi-temps debout.

« Ils ont lu notre jeu on est foutus »

Et ce n’était pas gagné. Avant le match, un supporter nous dit, épuisé : « Je me suis levé à 6h ce matin. Impossible de dormir ». Un deuxième : « J’ai tellement la pression que je suis tombé dans la rue tout à l’heure. Sans aucune raison. » C’est peu dire que lorsque l’attaquant russe Kokorin ouvre le score dès la 5e minute, il casse le moral de milliers de gens. Les Russes et les Brésiliens l’Arena da Baixada sont quant à eux très joyeux. Ils tentent de lancer une ola. Quatre personnes du kop algérien la suivent. Une première dans le camp des Fennecs, toujours prompts à hurler leur bonheur d’être là. Bronca des locaux. Des « Russia, Russia » fusent pour se venger de cet affront.

A la mi-temps la tension est à son comble. Dans les travées du stade, c’est la pause cigarette pour une quarantaine d’Algériens. Un Brésilien leur hurle que c’est interdit. Personne ne le regarde. Les Algériens sont nerveux. Ils ne veulent pas qu’on leur prenne cet unique plaisir de la soirée. Dans les tribunes c’est la soupe à la grimace. « Ils ont lu notre jeu ces Russes on est foutus. Et Belkalem il  est nul », se plaint Hassan. « Ils jouent mieux que nous », s’attriste Nora.

« C’est grâce à nous ça ! »

Mais tout va changer à la 59e minute. Lorsque la tête de Slimani perce les filets russes, nos tympans se percent à la même vitesse. Tout devient fou. Les embrassades fusent, les chants de supporters se mélangent complètement, l’un reprenant « One two three », l’autre « Mazal Mazal ». Tout cela sous la lumière rouge et la fumée d’un fumigène allumé par un spectateur. « Pas de bêtise, pas de bêtise ! On est qualifiés là ! », lance un supporter les yeux écarquillés.

La tension est extrême. Et il ne faut pas venir énerver l’Algérien. A la 78e minute, un joueur russe tente de gagner trois mètres sur une touche difficile juste devant le kop. Les Verts hurlent à l’abus. L’arbitre fait refaire la touche. Idem. La touche devient algérienne. « C’est grâce à nous ça ! », se réjouit un spectateur deux rangs derrière nous.

Deux Brésiliens un peu éméchés sont au milieu du camp des Verts maillot de l’Algérie sur le dos. « Ce soir je suis 50% Brésilien et 50% Algérien. » A la 80e ils se mettent à chanter « Bye bye Russia » en direction du camp adverse. Personne ne reprend. L’Algérien est superstitieux. Il faut qu’ils se taisent. S’ils continuent ils vont nous porter la poisse.

« Mazal l’Allemagne, mazal mazal »

Dernière occasion pour la Russie. Un coup franc à la 86e. La moitié du camp algérien a les mains sur le visage. Quelques uns se mettent à prier. M’bolhi se jette sur le ballon. Explosion de joie.

Les dernières minutes sont un supplice. Grand silence dans les gradins. La Russie attaque à fond. Les quatre minutes du temps additionnel semblent une éternité. Le scénario de l’élimination est dans toutes les têtes. Lorsque le sifflet retentit enfin, c’est la délivrance.

Dans les couloirs du stade c’est la révolution. Les cris des supporters font un bruit assourdissant. Les stadiers brésiliens retrouvent leur sourire perdu en début de rencontre. Ils ont passé la soirée en tension face à des Algériens d’une nervosité imprévisible. Ils lancent des « congratulation Algeria » à tout-va.

Des « One two three » résonnent également dans la bouche de ces Brésiliens. C’est presque devenu un hymne local tellement on l’entend partout. Mais les supporters algériens, eux, sont déjà ailleurs. Les « Mazal l’Allemagne, mazal mazal » font un bruit assourdissant dans le hall. A la sortie du stade, Mohamed explose de joie. « Tu te rends compte, c’est un moment historique qu’on est en train de vivre ici. Et maintenant c’est l’Allemagne. On peut les battre ! On l’a fait une fois pourquoi pas deux ? »