Reportage. Arrivée des Verts à Alger : un jour pas comme les autres
« Heureusement qu’il me reste du diner d’hier pour ce soir », remarque une dame accompagnée de deux enfants. C’est ramadan mais les gens n’ont pas hésité à sortir pour accueillir les joueurs de l’équipe nationale, de retour du Brésil, après un Mondial historique.
Sur la place Audin, dans le centre d’Alger, une foule commence à se masser sur les trottoirs. Le soleil est de plomb. Les enfants portent des casquettes et les téléphones portables sont brandis, prêts à l’emploi pour immortaliser le passage de l’équipe nationale. « Je viens de Cheraga, j’ai pris ma nièce et mon petit-neveu », explique la dame sur le trottoir des Trois horloges, place Maurice Audin. Elle a démarré à 10 heures du matin et s’est promenée à Alger avant de se retrouver sur cette place. « Moi j’aime Bouguerra, c’est lui que je préfère », lance la petite-nièce.
Les quelques places à l’ombre des ficus taillés en parasol sont très prisées. Difficile de se cacher du soleil. « Ils ont passé Bobillot (nom d’une ancienne rue à la place du 1er Mai) ou pas ? Ils sont où ? T’es sûr ? », interroge un homme au téléphone.
Les supporters viennent de loin
Les supporters appellent les amis ou la famille pour savoir si nos joueurs sont passés ou pas à la place du 1er Mai. L’équipe nationale, qui a démarré de l’aéroport Houari Boumediene dans un bus à impériale, doit passer par la place du 1er Mai, emprunter la rue Didouche Mourad, faire un crochet par la Grande Poste, et revenir par Hassiba Ben Bouali en direction du ministère de la Jeunesse et des Sports à Belcourt.
Des barrières ont été dressées à certains points du parcours pour contenir la foule. Et elle sera grandiose. À l’image des joueurs qui ont défendu le drapeau national lors du Mondial brésilien. « Mon fils a le maillot de Feghouli. Je viens de Beni Messous et je n’aurais raté leur passage à Alger pour rien au monde », explique un jeune homme, blond, une oreillette de téléphone scotchée à l’oreille. Son fils patiente assis sur le trottoir. Les policiers intiment un ordre aux conducteurs de faire vite. Le cortège arrive.
Hélicoptère, fumigènes et youyous inaudibles
Un hélicoptère suit du ciel le cortège des joueurs. Une voiture de police tente d’ouvrir la route fermée par la foule. Des enfants grimpent sur les poteaux. Un premier camion arrive, rempli de journalistes et de photographes. Le bus des joueurs est visible sur le haut de Didouche à partir de la place Audin. Des gens, à leur domicile, se mettent à leurs fenêtres. Les employés d’Air Algérie sont sortis à leurs fenêtres face à la place. Un enfant grimpe sur le poteau de l’horloge et fait brandir le drapeau algérien. Des femmes tiennent un couffin et tentent d’approcher au plus près de la route. Le bus est visible. Les joueurs aussi.
Il est 16h55. Le soleil tape toujours aussi fort. Un hélicoptère survole bruyamment la place. Les femmes font des youyous qu’on n’entend pas mais qu’on voit au geste de la main sur la bouche. En fronton du bus, un drapeau palestinien est tenu par un joueur. Les gens ne pouvant crier suite au vacarme de l’hélicoptère, lèvent les bras pour les saluer. Et les joueurs saluent en retour. Halliche est dans le coin du bus, il sourit à la foule. Bouguerra embrasse d’un geste généreux. La petite-nièce venue pour lui a dû en trembler mais elle est invisible. La place est noire de monde.
Un policier en faction, un talkie-walkie à la main, est hagard. Il semble perdu. Un autre tente de lui dire quelque chose, sans succès. Un geste de la main laisse penser qu’ils abandonnent. Difficile pour eux de contenir la foule et surveiller. Le bus s’en va vers la Grande Poste. La foule a décidé de suivre le bus. Audin se vide. Les voitures piégées à Mohamed V et au Tunnel des facultés vont pouvoir reprendre leur course. Les joueurs sont partis vers la Grande Poste. Leur passage aura duré à peine cinq minutes sur Audin. Suffisamment pour ravir tout le monde !