Algérie - La première salve contre le programme économique de Sellal III est un "tir ami"

02/06/2014 - 13:34


Abderrahmane Benkhalfa, l’ancien président de l’Association des banques et des établissements financiers, critique durement le programme du gouvernement Sellal III. Il lui reproche de fixer des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre. « Avec seulement 200 entreprises viables comment faire 7% de croissance ? », s’interroge-t-il.
 
 
Abderrahmane Benkhalfa n’est pas un opposant radical. Ses commentaires sur le programme du gouvernement, présenté dimanche à l’Assemblée populaire nationale par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, apparaissent pourtant comme une première salve contre la démarche de l’exécutif. L’ancien président de l’Association des banques et des établissements financiers (ABEF) prend soin de préciser que sur le dossier du gaz de schiste, il faut « faire confiance aux instruments de l’Etat », qui « ne s’est jamais trompé » sur les grands dossiers. Il considère même la lettre du président Abdelaziz Bouteflika fixant la feuille de route du gouvernement comme une « œuvre monumentale ». Mais le programme de M. Sellal contient, selon lui, de sérieuses lacunes.
Abderrahmane Benkhalfa lui reproche de ne pas s’appuyer sur une « doctrine économique ». « L’Algérie en construction n’apparaît pas dans le document », dit-il, déplorant que M. Sellal recoure encore à « l’investissement public » au détriment des acteurs économiques..
« On a la base, mais pas la dynamique pour faire de l’Algérie un pays émergent », selon M. Benkhalfa, qui appelle à « assurer la prospérité par les moyens économiques, pas par les moyens administratifs ». Il ajoute que « le dérèglement économique ne permet pas de créer de la valeur ». « L’Etat doit devenir régulateur plutôt qu’investisseur ou gestionnaire », tranche-t-il.
 
« Absence de relais »
 
La démarche de M. Sellal ne prévoit pas de « relais » à l’investissement de l’Etat. « Quels sont les acteurs, et quelle place pour l’entreprise dans la croissance ? », s’interroge M. Benkhalfa soulignant que « l’Etat distribue des revenus et des subventions». Pour lui, faute d’une production nationale conséquente, « augmenter le pouvoir d’achat revient à aider des emplois et des entreprises à l’étranger ».
L’ancien président de l’ABEF rappelle aussi ce qu’il considère comme les grandes priorités, notamment l’organisation des marchés et de l’économie, « la place des compétences nationales »... Il estime que le programme de M. Sellal souffre de l’absence d’une démarche pour réaliser les objectifs fixés, en vue d’arriver à une croissance de 7% et de réduire le chômage à 8% : « Avec seulement 200 entreprises viables, comment faire 7% de croissance ? » L’investissement public représente encore 90% de l’effort d’investissement, selon M. Benkhalfa, qui réfute même l’idée d’investissement public, affirmant qu’il s’agit plutôt de « dépense publique ».
 
Amnistie fiscale
 
M. Benkhalfa relève aussi l’absence d’un plan de réforme. « On ne peut pas arriver à des résultats » avec l’ANDI (Agence nationale de développement l’investissement) et l’ANSEJ (Agence national de soutien à l’emploi des jeunes), gérées de son point de vue de manière « administrative ». « La gouvernance du secteur public doit être revue », ajoute-t-il, affirmant que « les banques et les entreprises doivent changer complètement de mode de gouvernance, sinon elles ne pourront pas faire face à la concurrence ». Il prône « un secteur public avec une gouvernance privée, géré selon les règles de la commercialité », ainsi qu’une « rénovation de l’administration ».
Autre urgence insuffisamment abordée, selon lui, par le Premier ministre, la réforme bancaire et financière. Quatre dossiers doivent être traités rapidement : « la bancarisation de l’économie » (un point bancaire pour 25.000 habitants, contre un pour 8.000 au Maroc), la fin des transactions par cash, la lutte contre la dualité du marché du dinar (un officiel et un autre informel) et le développement des transactions numériques par le biais de la monétique. « Il y a une économie transparente et une autre cachée », dit-il, appelant à « une chasse à l’informel par tous les moyens, y compris par l’amnistie fiscale ». Il préconise même « d’offrir un corridor pour pousser vers le formel » ceux qui activent actuellement dans l’informel, dans une démarche similaire à celle de la lutte anti-blanchiment, qui a, selon lui, donné de bons résultats.