Najy Benhassine (Nabni) : «L’urgence est là, l’iceberg est en vue!»
Comment est née l’idée du Manifeste ?
Dans les deux rapports NABNI 2012 et NABNI 2020, la plupart des mesures et chantiers proposés relèvent de la gouvernance. A partir de ce constat, on a voulu aller à l’essence de nos messages dans un seul document qui résume concrètement les changements de gouvernance. Ce message est qu’aucune mesure technique ne fonctionnera si on ne touche pas à la source de nos échecs passés à savoir une mauvaise gouvernance entretenue par cet accès incontrôlé à la rente pétrolière. Après presque trois ans d’activité, on est au point de dire que si ce changement dans la gouvernance ne se fait pas, on n’arrivera pas à modifier les politiques publiques dans tous les secteurs : santé, éducation, culture, énergie, etc. Cet appel à Manifeste est, en quelque sorte, une évolution naturelle. Notre objectif était de sortir un texte fondamental court qui synthétise de manière simple nos propositions sur la gouvernance. Et croyez-moi, ça a été beaucoup plus difficile de préparer les cinq pages du Manifeste que les 200 pages de NABNI 2020 !
Quelles sont les idées forces du Manifeste ?
L’idée centrale est de dire qu’il faut passer à autre chose parce que l’on ne peut pas continuer à compter sur la rente. On insiste dans le Manifeste sur cette image du « jeu de dès » qui détermine actuellement le devenir de l’Algérie. « On va trouver du gaz de schiste, on va faire ci, on va faire ça ». Arrêtons de bâtir l’avenir du pays sur l’espoir de marchés d’hydrocarbures qui nous seraient favorables, sur ce que pourrait nous réserver notre sous-sol ou sur l’illusion d’une rente encore renouvelable pendant des décennies ! Il faut sortir de ce mode de fonctionnement hypothétique pour construire un nouveau modèle. C’est ce que propose le Manifeste élaboré autour des six lettres du mot DROITS correspondant aux dimensions du changement de gouvernance. La première c’est se « Détacher de la rente » ; et on a utilisé le mot « détacher » car il ne s’agit pas de simplement de se diversifier, il est impératif de se détacher de ce lien à la rente et surtout de ses habitudes qu’elle a induite sur les comportements des institutions et des décisions de politique publique. La deuxième dimension est un Etat qui « rend compte », qui s’engage sur la qualité de ses politiques publiques et puisse se rendre « Redevable » de ses actions là. Le troisième mot est un Etat « Ouvert ». Il y a plein de pays qui ont trouvé comment faire pour se développer et croître, soyons un peu ouvert au monde qui nous entoure et soyons surtout ouvert à l’erreur et à l’évaluation indépendante de ces échecs. La quatrième lettre est le « i » pour un Etat « Inclusif » des citoyens et de la société civile dans ses décisions, dans leur mise en œuvre et dans leur évaluation, un Etat qui soit à l’écoute. Cinquième lettre « T » pour « Transparence» et là nous sommes très en retard ! Or, seul un Etat transparent, peut permettre une politique publique efficace. Pour finir le « S » pour un Etat « Stratège » avec une vision et des objectifs. Et tout ça ce ne sont pas des slogans, ce n’est pas de la théorie. Chaque mois, nous nous attarderons sur chacune de ces lettres pour entrer dans le détail et expliciter ce que ça veut dire. Nous aurons donc un mois de la transparence, un mois de la rente, un mois de la redevabilité, etc., pour au final rassembler ces propositions concrètes dans une sorte d’annexe du Manifeste.
Comment le Manifeste s’articule-t-il avec l’autre projet phare de l’année 2014 à savoir NABNInitiatives ?
NABNInitiatives vient combler un vide dans l’ambition de NABNI depuis le départ qui était de se rapprocher de la société civile. Il s’agit de montrer que ce que l’on propose dans le Manifeste, mais aussi dans nos rapports passés, à un début de réalité. Et si on arrive à mettre en valeur des initiatives qui nous renvoient aux propositions du Manifeste ou de façon plus générale au rapport NABNI 2020, le pont sera idéal. Mais on ne veut rien forcer non plus. Peut-être que des initiatives vont nous ouvrir de nouvelles voies. Le programme NABNI 2014 contient donc deux appels : un appel aux citoyens, à la société civile, aux acteurs privés et publics pour nous parler de leurs initiatives, de leur changement à eux et le deuxième appel du Manifeste qui est un appel dans la durée, presque solennel pour dire on doit passer à autre chose et cette autre chose c’est une autre gouvernance publique.
La gouvernance est votre leitmotiv mais l’Algérie a-t-elle encore une gouvernance ?
Il est vrai que le Manifeste sort dans un contexte particulier d’élections présidentielles. Nous avons eu beaucoup de discussions au sein de NABNI en se demandant si on publie ce document maintenant ou après l’échéance électorale. Nous avons décidé d’y aller car cette question du changement de gouvernance est une priorité aujourd’hui, comme elle l’était il y a un an, il y a deux ans ; et comme elle sera dans un an si ce changement de voie auquel on appelle ne se réalise pas. Ce n’est pas le contexte électoral qui a motivé cet appel, c’est l’urgence. On constate, en effet, que les mises en garde signalées dans le rapport NABNI 2020, il y a un an, se confirment en 2014. Tous les indicateurs macro économiques montrent que l’urgence est là, l’iceberg est en vue ! Le virage à prendre n’a donc pas encore débuté, le navire poursuit toujours sur sa ligne droite…
Propos recueillis par Nejma Rondeleux
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Le Manifeste Nabni pour sortir l’Algérie du « jeu de dés » de la rente
Le groupe Nabni (« Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées » n’a pas hésité à rendre public, samedi, un « Manifeste pour une voie nouvelle » dans un contexte électoral qui aurait pu être dissuasif. Critiqué au début pour son « apolitisme » présumé, le groupe n’a pourtant pas hésité de lancer un appel pour que l’on cesse de faire dépendre l’avenir de l’Algérie de l’issue risquée d’un «jeu de dés ».
Ce n’est pas un appel partisan mais c’est une alarme très politique qu’a lancée le groupe Nabni en appelant à l’avènement d’un Etat de « DROITS ». Six lettres qui forment tout un programme pour changer la gouvernance du pays. Les mots classiques de démocratie, de libertés, ne sont pas directement cités, mais ils sont bien présents en filigrane. Apparemment moins par pudeur politique que par une volonté de focaliser sur l’urgence de sortir de la rente, de s’en détacher. Car, il y a de l’impatience dans l’air ! Comme un sentiment que l’appel déjà lancé à prendre le « virage » pour éviter l’iceberg n’a pas été entendu. Même si Nabni a été invité à la messe de la tripartite, le message semble être si peu passé que l’idée d’un Manifeste qui s’adresse à la société civile est devenu pressante. D’où la préconisation des six ruptures en forme de DROITS : D pour se « détacher de la rente » et cela concerne aussi bien l’Etat que la société ; R pour l’obligation pour les responsables à tous les niveaux d’être « redevables » de leurs actions et de devoir rendre des comptes ; O pour «ouvert au changement », I pour « Inclusif », T pour transparent… et S pour un Etat stratège.
Le problème est dans le making-off
Mais encore, une fois, Nabni risque de prêter le flanc à l’accusation de naïveté, ces « ruptures » étant assez largement partagées avec quelques nuances que l’on soit de « droite » ou de « gauche ». Tout le problème est dans le « making off ». Comment faire de telles ruptures alors qu’il n’y a pas de signe d’un quelconque virage dans le mode de gouvernance même si les signaux se multiplient sur le fait que le « détachement de la rente » va se faire par épuisement de ressources et non par un choix de « stratégie politique ». En appelant à un engagement collectif dans un « nouveau contrat social entre l’Etat et la société », Nabni pourrait essuyer le reproche de compter sur un « bon sens » abstrait alors que manifestement ceux qui détiennent les leviers du système ne sont pas convaincus qu’un changement peut les servir tout en servant la collectivité. Mais, on peut penser aussi que publier un « Manifeste » est aussi un appel à une implication des acteurs de la société pour élaborer des solutions et créer les conditions – en termes militants classiques on dirait « créer le rapport de forces » - en faveur du changement. Les raisons de le faire ne manquent pas et c’est ce qui fait la force de l’appel même si cela relève du constat.
A bout de souffle
Le modèle économique et social fondé « entièrement » sur les hydrocarbures est à bout de souffle, l’évolution même du marché avec l’émergence de nouveaux producteurs et la baisse de nos capacités de production et d’exportation « rendent très probable une prochaine crise profonde si nous ne changeons pas de cap ». « Compter sur la rente revient à perpétuer les causes profondes de notre sous-développement. Spéculer sur son devenir et espérer qu’elle sera encore longtemps à nos côtés revient à faire dépendre l’avenir de l’Algérie de l’issue risquée d’un « jeu de dés ». Mais comment sortir du « jeu de dés » pour reconstruire quand l’axiome cartésien qui veut que « bon sens est la chose du monde la mieux partagée » ne semble pas avoir cours en Algérie ?
Oussama Nadjib