Le projet de décret pour la réouverture de la pêche au corail en Algérie inquiète les professionnels

30/01/2014 - 13:30


Le ministère de la pêche et des ressources halieutiques a élaboré un projet de décret exécutif pour encadrer la reprise des activités de pêche au corail. Un texte qui ne fait pas l'unanimité parmi les professionnels qui s'inquiètent de l'intrusion des porteurs de capitaux dans le secteur "au détriment des marins-pêcheurs".
 
Malgré son interdiction, la pêche au corail en Algérie n'a jamais cessé. Pendant la période de pêche légale, des quantités importantes de corail pêchées ont été transférées en ''brut'' vers le village italien de Torre Del Greco, dans la baie de Naples, là où se négocient l'essentiel de la production en Méditerranée. La pêche de ce polype a pris ensuite les contours d'un véritable braconnage dans la zone d'El kala. Selon des associations de pêcheurs, plus de 500 barques « labourent » chaque jour dans cette région les fonds marins pour en retirer à l'aide de la décriée méthode de « croix de Saint-André », des centaines de kilogrammes de polypes. ''La réouverture de la pêche au corail est en quelque sorte une réponse de l'Etat à ces pratiques délictueuses'', affirme A M.E un armateur corailleur de Annaba.
Un décret contre le braconnage
En fait, le ministère en charge du secteur a annoncé depuis le début de l'année, la préparation d'un décret exécutif, dont Maghreb Emergent détient une copie, devant permettre la réouverture de la pêche au corail tout en réglementant les activités de cette filière. Cependant, les armateurs considèrent que le texte laisse la porte ouverte ''à tous les dépassements''. Dans le projet de décret exécutif, il est notamment stipulé au chapitre de la Concession (article 11) que '' la pêche au corail s'effectue par voie de concession après adjudication publique sur soumission cachetée''. L'article 12 indique quant à lui que ''l'acte de concession confère au bénéficiaire le droit d'exploiter avec un seul navire au niveau d'une zone de pêche délimitée'', et (art. 13) '' un même périmètre d'exploitation ne peut être exploitée plus de cinq années de suite, et mis après en jachère pour une période de 20 ans. La pêche au corail est ouverte toute l'année''.
Pas plus de 300kg/an
Par ailleurs, le cahier de charge de ce projet de décret stipule, notamment dans son article 2, que ''le quota maximum de pêche par an est de 300 kg/an'', que ''l'unique instrument utilisé est le marteau'', et que ''l'utilisation d'engins sous-marins est interdite''. En outre, l'article 10 du cahier de charges stipule que ''l'exercice de pêche au corail ne peut être exercé que par des plongeurs professionnels, au nombre de deux (par bateau). En outre, les profondeurs de pêche autorisées se situent entre -40 mètres et -110 mètres (Art.13), alors que la taille des polypes pêchés ne peut se faire sur un tronc qui n'a pas atteint les 8 mm. Enfin, le projet de décret portant pêche du corail stipule que la concession peut-être retirée notamment pour ''non respect des limites du secteur de pêche concédé, non respect du quota autorisé à être pêché, ou utilisation d'engins de pêche autres que ceux autorisés''. En outre, ''le concessionnaire est tenu responsable des dommages causés de son fait ou de ses employés à la faune et la flore marine''.
Grogne des armateurs
Pour autant, les professionnels de la filière, qui ont regardé faire les braconniers, ne sont pas tellement satisfaits de termes de ce projet. Mohamed Larbi Yahiouche, qui a été également président de la chambre nationale de la pêche, estime que le système d'adjudication nuit à la profession. ''La mise aux enchères de concessions, c'est à dire au plus offrant, peut faire venir dans la filière les détenteurs de capitaux, ceux qui ont de l'argent, au détriment des corailleurs professionnels''. ''De cette manière, on ne règle pas le problème'', estime t-il. Et puis ''l'interdiction de l'exportation de corail à l'état brut va encourager davantage les trafics, puisque la pêche est désormais permise'', estime t-il encore. Un corailleur de Ténès estime, lui aussi, que le système d'adjudication pour l'octroi de concessions ''est mauvais, car il ne privilégie pas les professionnels, notamment les anciens''.